Rendre la mobilité électrique possible

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Mis à jour le samedi 12 mars 2022 by Olivier Delahaye

Le 3 février 2015, en partenariat avec Grand Paris Métropole, EDF organisait la première session d’un cycle de rendez-vous consacrés au Grand Paris et à son évolution électrique. Placées sous le double regard de l’histoire et de la prospective, ces rencontres font intervenir de grands acteurs de la ville, posent les problématiques actuelles et futures du thème invité et imaginent les innovations qu’elles engendrent. Cette première session fut consacrée à la mobilité électrique urbaine. Nous vous proposons d’en retrouver ici, en plusieurs temps, les principaux échanges.

Il ne se passe bientôt plus une semaine sans qu’Airparif n’annonce un épisode de pollution aux particules fines en région parisienne, le dernier date du 13 février 2015. Véritable plaie de la ville moderne, cette pollution est engendrée à 25% par le trafic routier. Selon les chiffres de la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie d’Île-de-France (DRIEE), ce dernier est aussi responsable pour un tiers des émissions de gaz à effet de serre et pour plus de la moitié des émissions d’oxyde d’azote. Le constat n’est pas très nouveau. Il se double de nuisances sonores qui dégradent le quotidien des Franciliens et d’une congestion urbaine qui ne faiblit pas.

400 000 véhicules électriques en 2020

Les objectifs de la transition énergétique visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20 % à l’horizon 2020, de 40 % à l’horizon 2030 et de 75 % à l’horizon 2050, en France. Pour l’Île-de-France, le Schéma régional du climat de l’air et de l’énergie (SRCAE) a fixé lui aussi une réduction de 20% des GES dès 2020. Atteindre de tels objectifs ne peut se faire sans une transition mobilitaire massive, à laquelle participera forcément la mobilité électrique. Le même SRCAE, élaboré concomitamment par l’État et le Conseil régional, fixe d’ailleurs des objectifs que Julien Assoun, chef du service Energie, Climat, Véhicules à la DRIEE, n’hésite pas à qualifier de « volontaristes ». Soient : 400 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables sur les routes franciliennes d’ici 2020 et un million d’unités d’ici 2030.

Des chiffres à mettre en perspective avec les 5 000 véhicules électriques ou hybrides rechargeables immatriculés en 2014. Certes, ces 5 000 véhicules constituent une progression de 25% sur un an (4 000 véhicules immatriculés en 2013), mais le delta sur les six prochaines années est gigantesque et devient dès lors un véritable enjeu industriel. Enjeu que Julien Assoun ne voit pas se résoudre sans « le déploiement d’un écosystème dédié » qui prenne en compte, outre l’infrastructure nécessaire, l’ensemble des mobilités et des usages (véhicules roulant au gaz naturel, intermodalité, autopartage, transports de marchandises, transports en commun, etc). Et c’est bien à la faveur de l’émergence du Grand Paris que Julien Assoun considère la mise en place d’un tel écosystème : « C’est en intégrant, dès à présent, cet écosystème au sein des aménagements du Grand Paris que nous pourrons en saisir le plus intelligemment possible les opportunités et accompagner de manière optimale les territoires de la métropole. »

Un Grand Paris à soutenir

D’autant qu’il existe une équation à résoudre et qu’avait révélé dès 2012 un séminaire de la Préfecture d’Île-de-France consacré à la soutenabilité énergétique du Grand Paris. Les besoins vont croissant. Ils se traduisent en puissance électrique. 16 000 MW sont aujourd’hui nécessaires aux usages franciliens. En 2030, ils auront augmenté de 25%. 4 000 MW de plus qui font intervenir notamment un méga-projet de transport tel que le Grand Paris Express et ses 72 gares, la création de data centers, la construction de logements et, bien sûr, les véhicules électriques qui, à eux seuls, représenteront un besoin de puissance supplémentaire de 500 MW.

Nous avons fait le choix de bus que l’on rechargera la nuit dans nos centres, avec des charges lentes, ce qui aura évidemment un impact non négligeable sur l’appel de puissance pour le réseau électrique.

Sophie Espié

Cela pourrait même être plus au vu d’une croissance qui semble exponentielle : en 2011, les prévisions pour les data centers étaient estimées à 1 000 MW de puissance supplémentaire ; en 2013, ce chiffre passait à 1 200 MW. Cela pourrait être plus aussi si la mobilité électrique s’invite là où on ne l’attend pas. On ne sait en effet si les prévisions de la DRIEE ont pris en compte le grand chantier annoncé par la RATP fin 2013 : transformer 80% de sa flotte de bus en bus électriques pour 2025. Un renouvellement qui, outre son enjeu technologique concernant les batteries, va nécessiter un effort considérable en matière d’infrastructure de recharge. Responsable du Projet Bus 2025 à la RATP, Sophie Espié explique : « Nous avons fait le choix de bus que l’on rechargera la nuit dans nos centres, avec des charges lentes, ce qui aura évidemment un impact non négligeable sur l’appel de puissance pour le réseau électrique. Sans pouvoir estimer aujourd’hui ce que 4 500 bus représentent en termes de puissance, ce que je peux dire c’est qu’un bus en charge lente équivaut à la recharge rapide d’une voiture. »

Intelligence de réseaux, volonté politique

La condition, pas suffisante mais inévitablement nécessaire, au déploiement de la mobilité électrique s’avère donc que le réseau puisse en soutenir les impacts, notamment en termes d’appels de puissance. Et c’est du côté d’ERDF qu’il faut évidemment porter le regard. Chef de mission Développement Durable Île-de-France d’ERDF, Christophe Donizeau résume : « À l’horizon 2030, avec un million de véhicules électriques – si on est en charge normale pour tous ces véhicules – on va se retrouver avec une puissance appelée à la pointe de l’ordre de 25 % de la puissance de l’Île-de-France. L’évolution des comportements et des usages peut faire descendre cette part à 10%. Et si l’on parvient à mettre de l’intelligence dans nos réseaux, de planifier l’appel de puissance et d’optimiser la charge, il est possible de tendre vers 4%. »

Lorsqu’en Île-de-France on perd 1°C le soir en hiver, on augmente l’appel de puissance électrique de plus de 300 MW.

Julien Assoun

Autrement dit, l’essor de la mobilité électrique ne peut consister simplement à produire plus de véhicules, de batteries, à installer plus de bornes de recharge ou à transformer toute une flotte de bus, il implique une pédagogie, une utilisation croissante de l’autopartage, une mutation de l’objet automobile en objet serviciel et une intégration toujours plus poussée des nouvelles technologies dans le réseau électrique. Il implique aussi une anticipation qu’il faut sans cesse optimiser, car les aléas sont nombreux. Julien Assoun le rappelle : « Lorsqu’en Île-de-France on perd 1°C le soir en hiver, on augmente l’appel de puissance électrique de plus de 300 MW. » Si un renforcement de l’infrastructure électrique est nécessaire, avec pour ERDF un investissement de l’ordre de 7 milliards d’euros d’ici 2030, il est tout aussi urgent « de poursuivre l’exercice de territorialisation des besoins, selon Julien Assoun. Car ce sont les territoires qui mettront en place les points de charge nécessaires. » Cela appelle donc aussi une volonté politique des futurs territoires du Grand Paris. « Ainsi qu’une logique de coordination », ajoute Julien Assoun. Au sein de la future Métropole ?

Hors-champ : le casse-tête des postes sources
D’ici 2030, ERDF devra construire 17 postes sources supplémentaires en région parisienne, passant de 158 à 175, pour faire face aux besoins du Grand Paris. Pivots de la transformation du courant haute tension, ceux-ci nécessiteront d’importants investissements. En temps et en argent. En argent d’abord : le calcul d’ERDF est de 600 millions d’euros pour construire ou rénover les postes existants. En temps : la construction d’un nouveau poste demande un délai de 18 mois minimum. On imagine dès lors le casse-tête consistant à prévoir les projets des territoires : combien de logements supplémentaires au Ardoines ? quel data center en Seine-Saint-Denis ? combien de bornes de recharge à Mantes-la-Jolie ? etc. L’est francilien est particulièrement concerné. À Melun, l’agence de conduite réseau d’ERDF doit faire face aux développements (non concertés) de Roissy, Orly, Rungis ou Marne-la-Vallée. La croissance y est telle que ce seul secteur devra créer 6 nouveaux postes sources d’ici 2020, pour passer de 74 à 80 postes. Du jamais vu en Île-de-France.

Prochain article : « Tout l’enjeu de la mobilité électrique contenu dans les bornes de recharge »

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